dimanche 27 janvier 2013

Comment jouer du Jazz.




Comment jouer du Jazz.

Il faut distinguer deux disciplines l'improvisation comme soliste (en anglais : 'improviser' ou 'soloist') d'une part, et d'autre part l'accompagnement ('comping') comme équipier ('sideman').

Il faut distinguer ensuite deux pratiques, à savoir l'apprentissage et l'exécution. Cette distinction est beaucoup plus subtile qu'il n'y paraît au premier abord. En effet, à la grande différence de l'apprentissage de la musique classique, le but de l'apprentissage du jazz est l'exécution improvisée, et non pas l'exécution exacte, fidèle à une quelconque partition (il n'y a pas de 'texte', au sens où on l'entend en classique).

Le but de l'apprentissage du jazz est de parvenir à jouer autre chose que ce que l'on a appris. Il s'agit aussi de jouer à chaque fois autre chose que ce qu'on a déjà joué. C'est surtout vrai pour l'impro solo, où le défi de l'improvisation est posé immédiatement, mais la question se pose également dans le domaine du comping, une fois que les bases en sont maîtrisées.

Les deux pratiques (solo et camping) sont distinctes dans leur exécution (les moyens mis en oeuvre ne sont pas les mêmes) et donc distinctes dans leur apprentissage (les étapes sont différentes).

Nous n'aborderons dans cette première partie les contraintes portant sur l'exécution (et donc pas les conseils d'apprentissage) des solos (et donc pas du comping).


Première partie : l'exécution des solos

A. Contraintes rythmiques

Il y a trois types de rythmes principaux, deux rythmes binaires (le '4/4 swing' et le  '4/4 latin') et les rythmes ternaires. Nous n'aborderons ni les polyrythmes ni  les mesures à 5 ou 7 temps, etc… qui réclament un niveau de pratique supérieur à celui envisagé ici.

- 4/4 swing :
"uun- et- deeux- et- troois- et- quaat- et- uun-…"
rythme binaire avec 8 croches par mesure, de longueur inégale et d'importance inégale ('croches swinguées'). Ce rythme est parfois signalé par un triolet croche/noire noté en haut de la partition et valable pour tout le morceau, ou par l'indication 'swing feel' ou 'swing'.

- 4/4 latin :
"un- et- deux- et- trois- et- quat- et- un-…"
8 croches par mesure,  rythme binaire avec temps de longueur égale mais  d'importance inégale, comme en classique. Ce rythme est parfois signalé par l'indication 'latin feel' ou 'latin'.

Les deux types de rythmes sont souvent mélangés au sein du même standard, avec le thème en latin et un bridge en swing (I'll remember April, A Night In Tunisia).

Pour ces deux rythmes binaires, on met l'accent de volume sur les temps pairs, rythmiquement faibles, qui ont les croches paires. Ces croches s'opposent aux croches impaires, qui sont attaquées au rythme des noires de l'accompagnement ('comping').

Concrètement, le soliste doit battre du pied en 4/4 sur les quatre noires par mesure, et savoir placer les 8 croches par mesures, en plaçant les accents au bon endroit quand son pied est en haut).

Voyons cela plus en détails.

Dans le cas du rythme swing, on a huit croches regroupées par paires de deux  croches inégales :

"uun- ET!- deeux- ET!- troois- ET!- quaat- ET!- uun-…"

avec l'accent (volume plus élevé) sur la croche plus courte ("ET!") du temps faible. Pendant ce temps, le comping fait :

- soit quatre noires inégales :
   
"Uuuun- DEUX!<chut>- Trooois- QUAT!<chut>- Uuuun-…"

avec accent sur les temps faibles (deuxième et quatrième temps), plus courts et qui sont suivis d’un silence.

- soit quatre noires égales :

"Uun- <chut>- Deuux- <chut>- Troois- <chut>- Quaat- <chut> -Uun-…"

de la longueur d’une croche non accentuée (temps fort) séparées d’un silence le la longueur d’une croche accentuée (de la durée d’un ‘et’), sans accent.

Pour ces deux compings swing basiques, il est très important, pour faire ressentir le rythme, que les notes s'arrêtent là où les silences commencent, que la durée des silences soit précise.
(A la guitare, on prendra soin de bien brosser toutes les cordes, de ne pas brosser uniquement les cordes aigües sur le temps court, à,moins d’ête accompagné d’une basse ou d’un piano).

Il y a évidemment une infinie variété des rytmes de comping, mais ces indications de base sont suffisantes pour savoir où placer les croches du solo lorsqu’on entend la pulsation du comping.

Concrètement, le soliste doit battre du pied en 4/4 sur les quatre noires par mesure, et doit placer les accents sur les bonnes croches, mais sans se soucier de la longueur des notes ou des silences que fait l’accompagnateur.

Dans le cas du rythme latin on a huit croches regroupées par paires de deux croches égales avec un accent sur les temps forts, et un accent plus fort sur le premier et troisième temps, comme en classique :

"UN!-et-Deux!-et-TROIS!-et-Quat!-et-UN!-…"

Ici aussi le soliste doit battre du pied en 4/4 sur les quatre noires par mesure, et doit placer les accents sur les bonnes croches, mais sans se soucier de la longueur des notes et des silences dans le comping.


- rythmes ternaires : rythme 6/8 et valse 3/4 (Walz for Debby)…{à compléter}

B. Contraintes harmoniques "verticales"
(c'est-à-dire liées à l'accord courant de la grille harmonique)

Dans une partition de standard de Jazz, il y a généralement un ou deux accords par mesure. Cet accord est le plus souvent chiffré sur la partition en lettres (comme : "GM7, Cm7, F7") ce qui permet de lire une grille de standard sans avoir à déchiffrer les accords notés en solfège pour le pianiste.

- b1 : arpèges : en suivant le rythme de la grille harmonique, jouer une par une les notes de l'accord courant ('note d'arpège') et au moment de changer d'arpège, prendre la note la plus proche de l'arpège suivant sans changer le mouvement (ascendant ou descendant) de la phrase en cous d'exécution.

Parvenir à improviser en respectant cette seule règle ne fera pas de vous un musicien professionnel mais c'est un point de passage obligé de l'apprentissage. Y arriver peut parfois requérir un temps considérable…

- b2 : tissage complémentaire : ajouter à ces notes d’arpèges les notes complémentaires admissibles pour cet accord :
   - notes des gammes et modes associés à l'accord (voir tableau),
   - des chromatismes ascendants (note située un-demi ton en-dessous de la note d'arpège)...

    ...MAIS uniquement de manière à :
    - placer les notes de l'accord courant sur les temps fort (joués plus faiblement, sans accent mais plus longs :  "Uun";
    - placer les notes complémentaires sur les temps faibles (joués plus fort, plus courts mais accent : "ET!".

On a là une sorte de tissage au point de croix avec deux fils, assez paradoxal, où il faut changer de fil (notes d'aprèges/ notes complémentaires) à chaque pas (Temps court faible accentué, temps long fort non accentué). A savoir éxécuter les yeux fermés, et à 240 la noire pour des standards comme Four ou Blues for Alice

Heureusement, le musicien a son oreille pour guide, et arrivera au résultat souhaité en cherchant à faire entendre les arpèges en arrière-plan, évoqués en filigrane sur les temps forts et longs, au milieu du tissage des notes complémentaire, accentuées sur les temps faibles et courts.


Tableau {erronné et incomplet}:
Gammes et modes associés à un accords (tonalités majeures)

  • M7, IIIm7, VIm7 : Gamme Majeure, blues majeur, mode Ionien, Lydien, Aeolien.
  • V7 VIIm7b5 : Modes Mixolydien, Phrygien, Gamme altérée.
  • IVM7, IIm7 : Modes Dorien, Gamme blues mineur, ?Mode Aeolien.
  • 7#5 : Gamme par tons.

On remarque que les notes complémentaires apportées par les gammes associées aux accords leur apportent les tensions normales (9, 11, 13 : pour les modes de la Gamme majeure) ou altérées (b5, 5+, b9, 3m, b13, 11+ : pour la gamme blues et la gamme altérée).

C. Contraintes de phrasé

- c1. Décalage du phrasé : décaler le phrasé par rapport au rythme harmonique : commencer les phrases et les terminer au milieu de l'accord, pas au moment de changement d'accord.

Attaquer et terminer sur les temps faibles ("ET!"), ce qui privilégie les nombres de notes impairs et les phrases vives, enlevées, se terminant sur des croches "en l'air".

Une conséquence directe de cette dernière règle est qu'on commence que rarement une phrase au début de la mesure. Mais plutôt :
- une croche avant, sur la dernière croche de la mesure précédente ("Et!-uun-ET!-deeux-ET!-troois-ET!…");
- plus tôt encore, sur un autre temps faible de la mesure précédente (par exemple la cinquième croche ("ET!-troois-ET!-quaat-ET!-uun-Et!").

D. Contraintes harmoniques "horizontales"
(ou "contextuelles", c'est-à-dire liées à la progression harmonique)

Cette partie suppose qu'on soit capable de reconnaître, en lisant la grille harmonique à tête reposée avant l'exécution des solos, les clichés harmoniques (II-V-I, turnarounds, dominants secondaires, IIm7#5 V) et de la notion de tension/résolution qu'ils impliquent.

- d1 : éviter de déflorer prématurément a résolution : Jouer les tensions qui se trouvent dans les gammes et les modes associés en évitant soigneusement de jouer les notes de la résolution attendue.

Exemples :
- Dans une série de dominants secondaires qui se suivent par quartes (Section B de I got Rythm) ne pas jouer la gamme de blues mineur, car son degré II comprend la note fondamentale de l'accord suivant, et que cela annule la tension affirmée par la progression harmonique. Jouer la gamme de blues mineur, ce serait un peu comme passer la deuxième en tirant le frein à main. Au contraire, de manière à affirmer la tension inhérente à l'accord V7, jouer l'arpège de 7e de dominante, ou le mode Mixolydien correspondant - attention dans ce cas à placer les notes complémentaires de ce mode Mixolydien sur les temps faibles (voir plus haut, contraintes "verticales") !
- Dans une série de turnarounds en Bb rapides à deux accords par mesure (Section A de I got Rythm) jouer soit :
- la gamme de Bb blues majeur, qui 'passe' car les résolutions sont tellement rapides que l'oreille associera la note de résolution, même placée sur un accord de dominante, avec l'accord Bb suivant ou précédent;
- jouer la gamme majeure de Bb (même remarque que pour Bb blues majeur);
- beaucoup mieux, jouer les notes des arpèges, en changeant d'arpège toutes les quatre croches, et en tissant les note complémentaires issues des deux gammes Bb blues majeur et Bb majeure : c'est l'approche Bop.

- d2 : accentuer la tension : on accentuera les tensions sur les accords tendus qui se résolvent, (voir ci-dessus tensions/résolutions dans les clichés harmoniques) en les plaçant aussi sur les temps faibles.

Exemples :
- Dans une série de dominants secondaires qui se suivent par quartes avec à chaque fois une durée de deux mesures par accord (Section B de I got Rythm) ne pas jouer consonant sur la première mesure et accentuer progresivement les tensions sur la seconde mesure en introduisant les notes du mode, voire la gamme altérée (à la John Scofield).


*
*     *

Apprentissage progressif :

A. Apprendre tous les arpèges impliqués, éventuellment simplifiés (voir ci-dessous). Bien placer les accents et le swing comme expliqué plus haut. Veillé au phrasé, à un débit régulier.

B. Enchainer les arpèges sans accompagnement. Une mesure de chaque arpège en 4/4 8 croches) ou deux mesures en en 6/8 (12 croches).

C. Enchainer les arpèges avec  accompagnement (don on peut varier e tempo, donc midi, band-in a Box)
    Approche progressive des difficultés :
    • Simplifier la complexité Harmonique :
      1. En travaillant des clichés :
        • IM7 / IV M7
        • II V I %
        • II V I IV
        • ii v i mineur
      2. En travaillant sur des fragments de standards : 1 2, 4, 8 mesures.
      3. Progresser par sous-divisions logiques ; A ou B isolés au sein d’une structure AABA, etc.
      4. Intégrer toute a grille d’un standard complet.
    • Reduire le manche à une position, pis deux, puis cinq, puis aller voir dans les petites frettes.
    • RYTHME HARM : allonger la durée des accords, jusqu’à deux mesures par accord. Raccourcir progressivement.
    • TRAVAILLER LES CHANGEMENTS UN PAR UN, PUIS LES ENCHAINER : Ne jouer que les transitions. Interompre l’accord courant, voir comment on peut enchaîner, en commençant par une note, puis deux, puis une mesure.
    • TEMPO : Descendre le tempo jusqu’à 120 noires/minute.
 
D. Travail créatif : toujours avec accompagnement ; créer des petites phrases

    • NOTES DE L’ARPEGE. au début, on peut commencer par les simplifier :
      • faire ‘sauter’ les altérations (6, b9/9, 11, 13) mais toujours garder (3/3m, 4/b5/5/aug et 7/M7)
      • remplacer certains accords par des pentatoniques ou des petites gammes synthétiques (tableau à faire).
      • Si c’est plus facile, on peut ajouter certaines altérations (en particulier les 9)
Ensuite, on peut apprendre les arpèges avec les altérations, mais ce n’est pas strictement nécessaire)

    • NOTES COMPLEMENTAIRES : à introduire selon les règles énoncées plus haut.
      1. D’abord les notes d’approche ascendante,
      2. puis les notes de la tonalité,
      3. puis les gammes spécifiques à chaque accord (tableau)
      4. puis les substitutons {tableau à faire}
      5. Jeu par intervalles :
        • Monter l’arpège
        • Le descendre
        • Saut de notes et intervalles
        • double stops
      6. octaves, éventuellement avec la main droite jouée au pouce (Wes style).
      7. improvisation en accords (3, 7 éventuellement 5 et/ou 1) : un accord par croche
    • Techniques guitaristiques : main gauche
      1. Slide
      2. Bend
      3. hammer-on & pull-of (le pull-off doit pincer la corde et la faire vibrer aussifort que possible
      4. tapping.

E. Travail technique
    Commencer sur le premier degré de la gamme / la première note de l’accord
    Commencer sur le deuxième degré / a deuxième note
    Jouer des triolets
    Jouer double time (doubles croches)


samedi 12 janvier 2013

Del Sasser (Sam Jones)

Band-In-A-Box grid :
DelSasser.sgu

Mp3 grid :
DelSasser.mp3

by Canonball Adderley :
http://www.youtube.com/watch?v=ISkzLXXbOUw

by Emily Remner :
http://www.youtube.com/watch?v=YWqvX7Y8m6E

by Chris Reno :
http://www.youtube.com/watch?v=w4a0vrufwlA

Wikipedia about Sam Jones :
http://en.wikipedia.org/wiki/Sam_Jones_%28musician%29

A nice story about the tune's name (from some jazz forum ) :

I've got this one.
Back in the mid-eighties, when I was in my mid-twenties, I was working a steady five night a week gig (what ever happened to those?!) at the Jazz Workshop, on Broadway, in San Francisco. The actual Jazz Workshop, same room, piano, decor as back in the day. Different management, of course--it had languished as God-knows-what for 15-18 years or so, but some enterpreneurs had the idea of reviving it as a jazz club again. The great Donald Duck Bailey started the gig out on drums, but by the time of this story, he was very ably replaced by Carl Burnett, who came up from LA to do the gig. I guess the "new" Jazz Workshop lasted about 2-3 years or so, and this was at the end of the run--managment was feeling the pinch of bad business and we musicians now had to pay for our drinks. And they also started playing some jive s*** on the sound system on breaks--the handwriting was on the wall. All of which caused me to take my breaks elsewhere--I'd walk down to Columbus Ave, hang a left, and then another into the little dead-end alley just before Tosca and get my taste(s) at Specs Bar, a venerable little watering-hole that dated back to the Beats, Ferlinghetti and all that stuff. They played my kinda music there, so it was a better hang.So this one night I walk in, get a seat at the bar, get my drink and just dig the scene--about halfway through my 20 minute break, what comes on but Cannonball's recording of "Del Sasser". Jazz geek I, I softly sing along, drumming along with with the little hits that answer the melody. At that moment, this beautiful older (again, to me) woman walks in, right by me, and notices my involvment in this tune. Says she; "Excuse me, you know this tune?" I said, "yes, "Del Sasser", by one of my bass heroes, Sam Jones." She replied, "Well, you know, Sam used to play around the corner at the Jazz Workshop quite often back in the sixties. He was a dear friend of mine--my name's Irene Del Sasser." We had a nice little chat--I got back a bit late for the next set, but it was worth it. And since then, I've played hundreds of gigs in that neighborhood--ten years of 3 nights a week right around the corner from Spec's, at Jazz at Pearl's with Vince Lateano and Bruce Forman, yet I never saw Ms. Del Sasser again.

John Wiitala